La culture de décrue appelée ‘’Jolal waalo’’, en pulaar, dans le département de Podor est une vielle tradition qui, outre l’aspect économique, s’accompagne également d’un volet culturel, qui se perd nos jours, depuis l’avènement de la culture irriguée dans la vallée du fleuve Sénégal.
‘’La culture de décrue, ou ‘’Jolal waalo’’, était l’une des deux formes connues des populations de long de la Vallée du fleuve Sénégal, depuis des temps immémoriaux’’, selon cet octogénaire, Silèye Tahirou Seck, trouvé sur sa natte de prière, à Ngaolé dans la commune de Guédé village.
A l’évocation de ce moment dans la vie des populations du Fouta, avec beaucoup d’émotion, le notable, qui porte le titre de ‘’Jaarno’’ de Ngaolé, est ‘’très enthousiaste pour évoquer ce passé’’.
’Oui notre génération, surtout nous qui nous habitons l’île à Morphil. Nous connaissons bien. Notre génération pratiquait certes la culture sous pluie, mais nous cultivions moins de superficie par comparaison avec celle de décrue’’, dit-il.
L’ile à Morphil, c’est la bande de terre fertile, comprise entre le fleuve Sénégal et son affluent le Doué et qui s’étend sur plus de 150 kilomètres de long et 12 kilomètres de largeur.
Dans cette zone l’on y trouve plus d’une soixantaine de villages d’agriculteurs, principalement, mais aussi de pêcheurs.
‘’La campagne de culture de décrue s’étend quatre à cinq mois, en général à partir du début du retrait des eaux’’, fait remarquer le président de l’Union des jeunes agriculteurs de Koyliwirndé, Abdoulaye Racine Anne.
Avec cette crue exceptionnelle beaucoup d’hectares ont été mises en valeur. ‘’C’est très important pour l’économie locale. Cela va grandement contribuer à la sécurité alimentaire si toutes les conditions sont réunies’’, espère M. Anne, qui souhaite une campagne réussie.
‘’Jolal waalo’’, un rendez-vous ‘’unique’’ à ne pas manquer
Les familles attachaient une très grande importance à cette période de l’année. Tous les membres de la famille doivent répondre présents à l’appel des travaux champêtres.
‘’Seuls des cas de maladies graves ou de décès pouvaient expliquer l’absence à ce rendez-vous, pour un membre de la famille’, a insisté le ‘’Jaarno’’ de Ngaolé.
‘’Jolal waalo’’, est un moment pour les jeunes hommes et femmes de se mettre au service de famille, contribuer à la nourriture et à ses besoins économique pendant une année.
‘’C’était ancrée dans les traditions et qu’il fallait à tout prix respecter’’, dit le patriarche avec nostalgie.
Plusieurs personnes ont abandonné des emplois rémunérés pour répondre à l’appel de la terre.
‘’Mon père m’a raconté une anecdote, quand il avait 23 ans et travaillait comme commis dans un magasin de commerce, Maurel et Prom, mes camarades d’âge avaient décidé de rentrer. Mais lui est resté à Dakar pour des raisons professionnelles. Quand ses camarades sont arrivés au village, sa mère est venue prendre ses nouvelles. Quand elle a appris que son fils n’est pas venu, c’était comme une honte pour toute la famille’’, raconte un jeune enseignant qui a requis l’anonymat.
Finalement, il a abandonné son emploi, pour rentrer au bercail.
‘’Les absents pour d’autres motifs font l’objet de moqueries des jeunes filles réunies pour piler le mil, lors des cérémonies familiales. Il existe encore des chants célèbres qui ont été composées pour dénigrer de pareils comportements’’, a ajouté Silèye Tahirou Seck.
Dès la récolte des champs du waalo, la plupart des jeunes reprenaient les chemins de Dakar ou les autres centres urbains au Sénégal ou alors aller à Nouakchott, en Mauritanie.
Chants et poèmes en l’honneur de jeunes hommes rentrés
Pour le retour au bercail, s’effectuait par fois à pieds. D’autres qui avaient réussi un ‘’bon séjour à Dakar’’, prenaient un moyen de transport comme le camion ou le train jusqu’à Saint Louis, avant de continuer par le bateau, ‘’Bou El Mogdad’’.
‘’Ils étaient accueillis au bord du Quai de Podor, puis accompagnés en pirogues jusqu’au village natal. Une fois au village, ils sont accueillis avec des chants et des poèmes composés en leur honneur par des jeunes filles de leur âge’’, selon Abdoulaye Racine Anne.
Mais, l’on doit absolument ramener des cadeaux à tous les membres de la famille et la classe d’âge jeunes filles surtout. C’était une tradition à respecter.
‘’Même pour les sœurs qui sont chez leurs maris, les neveux ne sont pas oubliées. Les amis et alliés en sont aussi servis’, a dit Silèye Tahirou Seck, ajoutant ‘’mais il fallait démarrer rapidement les travaux champêtres pour finir tôt et attendre les fêtes et cérémonies de réjouissances pour ouvrir sa malle ou valise porter ses beaux habits. C’était beau et l’on était admiré’’.
C’est une tradition d’attachement à la famille et de solidarité qui a disparu, regrette Jaarno Ngaolé, Silèye Tahirou Seck.